Sa technique d'écriture

Publié le par Fred L

Ben Harper parle de sa technique d'écriture :

"Je n'ai pas eu une éducation musicale formelle dans le sens où je n'ai jamais appris le solfège; je ne lis pas les notes. J'ai appris à jouer en regardant les autres et en écoutant beaucoup de disques. Si j'avais pris le temps d'apprendre à lire les notes, je n'aurais pas eu le temps d'apprendre à jouer. Mais maintenant, j'aimerais prendre des leçons pour avoir une base théorique.
J'écris des chansons simples, des paroles que tout le monde peut comprendre. Les belles chansons ne sont pas compliquées, ce sont celles qui sont facilement perceptibles par les autres."
Les chansons du genre
Roses from my friends, Ashes, I shall not walk alone...  me sortent beaucoup plus facilement que les titres un peu plus syncopés que j'ai un mal de chien à mettre en ordre en studio alors qu'ils sont clairement orchestrés dans ma tête! Il faut croire que mon côté paisible et contemplatif me pousse plus facilement vers ce genre de musique, calme et sereine. Je crois qu'instinctivement et pourtant inconsciemment je n'aime pas beaucoup le bruit.

La légèreté de la guitare permet de mettre en valeur les paroles et plus généralement la voix. Le morceau bénéficie bien souvent à travers son texte, d'une dimension plus forte, plus pertinente, parfois sociale et bien souvent salvatrice. Certaines musiques ne sont faites que pour danser. Je pense pourtant que les textes font partie de la tradition lyrique, nécessaires à son esprit. Ca fait partie de son âme. Cela permet de perpétuer et de transmettre une pensée aux générations à venir.
Telle ou telle phrase peut être profondément musicale. Pour moi, les mots, c'est de la musique. La fusion paroles / musique est la quête permanente. Je ne veux pas que ma musique soit abîmée par mes paroles ou que mes paroles nuisent à ma musique. Si je trouve une mélodie que j'estime être bonne et si elle me vient à l'esprit sans aucun mot, je ne ferai rien pour changer cela. Si elle doit rester sans parole, elle le restera.
Je suis un compositeur, pas un poète, pas un musicien mais un simple songwriter. Lire un poème et lire un texte musical sont deux choses différentes. Les miens sont assez bien écrits, même sans musique mais ils sont faits pour être accompagnés d'une mélodie, d'un rythme etc...

L'écriture est un processus complexe. On souffre pour être le premier, le plus fort, le plus cultivé, c'est normal. Cette souffrance est présente depuis mes débuts mais, en même temps, seule la musique parvient à la guérir. C'est le paradoxe qui me permet d'avancer, de ne jamais baisser les bras. Je souffre quand je compose, mais le résultat m'aide à vivre et m'éloigne ainsi de la souffrance. Faire de la musique me procure une sorte d'équilibre sans lequel je serais quelqu'un de passablement dérangé. Comme je compose depuis mon adolescence, j'ai pu me protéger des pires souffrances, celles que connaissent ceux à qui on n'a pas su transmettre l'envie de réaliser quelque chose sur cette Terre.

La question du manque d'inspiration est insoluble. Parce que je serais déjà incapable de définir l'inspiration. Je ne sais même pas d'où elle vient ni si elle va m'habiter encore longtemps. Pour toutes ces raisons, si une chanson vous traverse l'esprit, vous devez la noter instantanément, y réfléchir afin qu'elle ne se perde pas. Ma guitare est toujours prête et je murmure toujours mes idées à mon dictaphone. La seule chose que je sais sur l'inspiration, c'est comment lui donner une forme précise.
Je n'ai pas une façon très déterminée d'écrire les chansons. Ca peut être un mot qui m'a fait penser à une image précise, un truc spirituel qui te transcende... La recette miracle n'existe pas. La musique peut venir en premier ou les paroles ou les deux ensemble. Les mélodies peuvent naître sur le manche quand j'improvise ou me venir toutes seules dans le crâne.
Je n'écris pas que sur slide, j'écris beaucoup sur les round-necks. Même avec des accords majeurs, je peux obtenir des accords mineurs sur le manche. Je peux intervertir les accords mineurs et majeurs. Ecrire sur des round-necks me permet d'atteindre différentes parties du manche et des structures d'accords différentes.

J'ai l'impression que le meilleur reste à venir mais c'est difficile à dire parce que c'est quelque chose de si intangible, quasi-impossible à contrôler. Je trouve la créativité partout. Même en cas de déclin de ma créativité, il reste toujours des choses intéressantes à chanter, mais avec un niveau d'énergie moindre. Même avec une créativité moins importante, tu peux écrire des choses uniques. Parfois quand tu te mets à écrire, rien ne vient et puis si tu t'y tiens assez longtemps, cette absence d'inspiration en devient une; ça te pousse à creuser et creuser au fond de toi pour trouver quelque chose qui n'aurait jamais fait surface si tu avais reposé ton stylo. Alors...
Le fait d'avoir tourné si longtemps a considérablement renforcé mes capacités de songwriter et de musicien. Je peux oser plus de choses aujourd'hui parce que l'expérience commence à porter ses fruits. Les gens pensent que j'écris mes morceaux en méditant dans le désert. Je suis désolé mais je les écris dans le bus pendant les tournées. Je n'ai plus vraiment le temps d'aller dans le désert. Ce qui ne veut pas dire que je ne l'ai pas fait quand j'étais jeune, vers 18 ans mais je suis assez détaché pour réussir à prendre le temps de me retirer pour chercher en moi-même mon propre désert et écrire des chansons spirituelles en voyageant avec douze autres personnes, les unes sur les autres. Je suis comme tout le monde, un animal social.
Je me suis toujours demandé si j'écrivais les chansons où si c'est elles qui m'écrivaient. Maintenant elles ressemblent à des amies. Je ressens une complicité avec cette habileté et cette inspiration nécessaire à l'écriture. Je ne veux pas que mes disques soient faciles d'accès. Quand The Will To Live est sorti, cela m'a libéré. Avec Burn To Shine, j'ai compris qu'à partir du moment où les chansons sont bonnes, je peux aller où je veux.

Maintenant, je ne cache pas que mon espoir, ce serait d'atteindre le niveau d'un Neil Young, d'un Johnny Cash ou d'un Bob Dylan; ces artistes ont su allier la simplicité à l'intelligence. Il n'y a rien de plus enviable que d'être entre ces deux pôles et de pouvoir naviguer librement de l'un à l'autre, par le simple pouvoir de l'écriture. Voilà le genre de fantasme, de rêverie que peut provoquer chez moi le songwriting. C'est presque du domaine de la science-fiction."
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